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“L’extraordinaire destinée de Sarah Bernhardt” ou l’invention flamboyante de la star

Hélène Kuttner 1 septembre 2024
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©Fabienne Rappeneau

Au Théâtre du Palais Royal, Géraldine Martineau met en scène le mythe de la comédienne intégrale, avec la passion et l’expertise mêlées à l’écriture d’une formidable pièce. La comédienne et chanteuse Estelle Meyer donne corps à la star, avec une vitalité et un talent explosif, entourée d’une brochette de comédiens virevoltants et sensibles. Une création qui rend la rentrée effervescente.

L’invention d’une star

Qu’est-ce qu’une star ? Selon Sarah Bernhardt, l’impact d’un comédien doit être évalué à l’aune d’un personnage qui s’identifie à un nom, un être qui évoque un souvenir ». Le mystère, la multiplication des poses et des images, la liberté extrême, sont les éléments de la définition de la star, dont Greta Garbo et les producteurs américains se saisiront au début du XX° siècle. En 1844, en plein milieu du XIX° siècle, naît une petite fille toute rousse au tempérament de feu, à la sensibilité ardente, qui va marquer l’éternité du sceau de son talent. Du collège religieux où elle reçoit une éducation stricte, elle n’aura de cesse de clamer son libre-arbitre, son désir de liberté et d’appropriation de tous les codes sociaux. Celle qui a 16 ans obtient le prix de tragédie au Conservatoire, rentrera à 17 ans à la Comédie Française qu’elle quittera, à la suite d’une rixe avec une sociétaire, un an plus tard. Après des débuts plus glorieux à l’Odéon, notamment dans le rôle de la reine de Ruy Blas que lui offre en mains propres le grand Victor Hugo, la voici revenant à la Comédie Française dont elle deviendra sociétaire. Pour en démissionner cinq ans plus tard. La vie fabuleuse, la carrière fulgurante de Sarah, qui enflammera aussi le public dans le monde entier, Europe, Amérique du Nord et du Sud, ne va pas une utilisation judicieuse de la publicité et de la photographie, dont les Nadar, Félix et Paul, seront les ardents serviteurs et amis.

Une météorite chevauchant deux siècles

@Fabienne Rappeneau

« Madame Sarah Bernhardt présentait ce phénomène de vivre à l’extrémité de sa personne, dans sa vie et sur les planches » écrivait le poète Jean Cocteau. Celle qui s’évanouissait dans la Dame aux Camélias, qui tenait à braver le public londonien avec une jambe amputée, ne semblait reculer devant rien pour assouvir la perfection de son art et le don d’elle même. On sait moins que Sarah, lors des guerres de 1870 ou en 1914, s’est livrée corps et âme dans le feu du conflit en installant une infirmerie dans le théâtre de l’Odéon. Qu’elle a subi de lourdes attaques antisémites, auxquelles elle a résisté avec force. Mettre en scène une telle vie, à cheval entre le 19° siècle encore classique et le 20 siècle bouillonnant, relevait donc d’un défi total, que Géraldine Martineau, qui fit un passage remarqué, elle aussi, à la Comédie Française, relève avec panache. Dans l’écrin velouté d’or et de rouge du splendide théâtre du Palais Royal, l’histoire d’une star déploie des tableaux plus que vivaces : entourée de ses soeurs et d’une mère fantasque, le pied de nez au pensionnat tenu par des nonnes, le face à face avec la mort, l’émancipation au Conservatoire et le scandale de la Comédie Française où sa personnalité fait déjà des ravages, avant de s’affirmer avec les plus grands et sur les plus grandes scènes du monde. C’est Estelle Meyer, comédienne au talent puissant et sauvage, à la personnalité hors-normes, qui vient habiter littéralement le personnage en y inventant son double moderne.

Une troupe haute en couleurs

@Fabienne Rappeneau

Et elle est formidable de liberté, d’énergie et de générosité, cette comédienne qui porte le rôle d’une vie en une heure et quarante cinq minutes, avec un humour et une bonne humeur toujours en berne. Car elle le fait avec une simplicité et un naturel évident, sans chichis, dans des costumes épatants et une chorégraphie de Caroline Marcadé qui embarque toute la troupe brillante de toutes les personnalités qui la constituent. Marie-Christine Letort, extravagante Youle, la mère de Sarah, épaulée par Isabelle Gardien, ex-sociétaire de la Comédie Française, qui incarne la chaleureuse Madame Guérard. Blanche Leleu et Priscilla Bescond sont les inséparables et fantaisistes sœurs. Coté garçons, Sylvain Dieuaide campe avec ferveur le fils chéri de Sarah, Maurice, avec Adrien Melin et Antoine Cholet pour camper les autre personnages. Mais la musique ici est très présente avec un savant duo, Florence Hennequin au violoncelle et Bastien Dollinger au piano et à la clarinette. Ça chante et ça danse, sans une seconde d’ennui, et c’est la qualité de ce spectacle tout public, précis et historique, qui redonne à Sarah Bernhardt toute sa lumière et son panache pour le bonheur de tous.

Hélène Kuttner 




  

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